Rencontre avec l’Ambassadeur de Suisse en Espagne, Mr Thomas Kolly
Le Courrier d’Espagne a rencontré l’Ambassadeur de Suisse en Espagne, Monsieur Thomas Kolly. Il y aurait plus de 100.000 espagnols résidant en Suisse et 24.000 suisses en Espagne. En termes de “diplomatie économique”, les suisses sont très actifs en Espagne. Rencontre. Comment se définit la présence de la Suisse en Espagne, notamment au niveau consulaire ? En Espagne, la Suisse est représentée par une Ambassade qui, en plus de l’échelon diplomatique, est dotée d’une section consulaire. Elle est appuyée par le Consulat Général de Suisse à Barcelone. Ces deux services gèrent les affaires consulaires des ressortissants suisses et du Liechtenstein immatriculés en Espagne. Ce travail consulaire se compose principalement de l’inscription des Suisses à l’étranger, du traitement des dossiers d’état-civil, de l’établissement de passeports et, plus récemment et de manière croissante, de l’aide sociale, ainsi que de l’aide aux Suisses de passage ayant été victimes d’un vol. Pour les étrangers désireux de se rendre en Suisse pendant une longue période, l’Ambassade et le Consulat Général délivrent des visas. Outre les deux représentations précitées, il existe six Consulats honoraires en Andorre, à Bilbao, à Las Palmas de Gran Canaria, à Málaga, à Palma de Mallorca et à Valence. Comment pouvez-vous caractériser les relations bilatérales entre les deux pays ? Les relations bilatérales entre nos deux pays sont excellentes et se composent de rencontres régulières au plus haut niveau. Il y a plus de 100.000 espagnols résidant en Suisse et 24.000 suisses en Espagne. Les deux «Écoles Suisses» à Madrid et Barcelone offrent une formation de qualité en allemand, calquée sur le système scolaire helvétique, dès le niveau primaire, que les élèves soient suisses ou étrangers. Je citerai encore les treize Associations de Suisses à l’Étranger en Espagne qui témoignent d’un lien actif entre les expatriés et leur pays d’origine. Pour l’Espagne, la Suisse était en 2012 son 11e marché d’exportation et son 23e fournisseur. Suite à une forte progression des échanges depuis 2000, l’année 2008 a marqué un retournement de tendance. En 2009, les exportations (-11.7%) tout comme les importations (- 2.4%) ont fortement diminué. En 2010, nous avons assisté à un retour de la croissance du commerce bilatéral, mais en raison des importations (+28%), les exportations diminuent de nouveau (-2.4%). L’année 2013 marque un recul des exportations (-3.1%) et des importations (- 8.1%). La relation Suisse-Espagne gagne une dimension additionnelle si nous l’examinons sous l’angle Suisse-Union Européenne (UE). L’Espagne est un membre important de l’UE. Lors de ses contacts avec des représentants espagnols, l’Ambassade a très souvent l’occasion de parler de questions concernant la Suisse et l’Union. En ce moment, notre gouvernement est prêt à négocier avec l’UE afin de consolider cette voie bilatérale et résoudre les questions institutionnelles de manière unifiée. Il s’agit maintenant de trouver des solutions techniques et juridiques avec l’UE. Nos deux pays défendent les mêmes valeurs et poursuivent les mêmes objectifs afin de renforcer le multilatéralisme et les droits de l’Homme. La création d’une Commission internationale contre la peine de mort, composée d’experts indépendants, projet suisse-espagnol sis à Genève, est un bon exemple de notre coopération. L’Espagne a également beaucoup contribué en 2010 à dénouer la crise suisse-libyenne. En ce moment, la Suisse et l’Espagne analysent leur potentiel de collaboration dans les domaines suivants : affaires consulaires, sciences, concept « marque-pays » et également dans le domaine de la formation professionnelle, en promouvant notre système de formation « dual ». Celui-ci prévoit pour les jeunes qui n’entrent pas à l’université, un apprentissage de trois à quatre ans dans une entreprise avec, en parallèle (d’où le terme « dual »), des cours de formation théorique, dans le cadre de tout éventail de métiers. La possibilité de continuer sa formation après l’apprentissage existe. Nous prévoyons aussi d’inviter des journalistes espagnols en Suisse afin qu’ils approfondissent leurs connaissances au niveau des dossiers fiscaux et financiers de la Suisse. Vous parlez de l’initiative conjointe de l’Espagne et de la Suisse contre la peine de mort, en quoi consiste-t-elle ?
Effectivement, en matière de lutte contre la peine de mort, la coopération entre la Suisse et l’Espagne est très étroite. À la mi-juin, l’Espagne a accueilli le Ve Congrès mondial contre la peine de mort (le précédent s’était tenu à Genève en février 2010), coparrainé par la Suisse, l’Espagne, la Norvège et la France, l’occasion de voir réunis les trois Ministres des Affaires Étrangères de France, d’Espagne et de Suisse, c’est-à-dire Laurent Fabius, José Manuel Garcia-Margallo et Didier Burkhalter, en présence également de la Vice-Ministre norvégienne, Gry Larsen. Par ailleurs, grâce au soutien de l’Espagne et de la Suisse, la « Commission Internationale contre la Peine de Mort » a été créée en octobre 2010 à Madrid. La Commission mène des actions complémentaires à celles des organisations internationales, régionales et de la société civile, en faveur de l’abolition de la peine capitale. Mme Ruth Dreifuss, ex-Présidente de la Confédération et, plus récemment, M. Rodríguez Zapatero, ex-Président du gouvernement espagnol, de même que M. Robert Badinter, ancien Ministre français de Justice, sont membres de cette Commission, présidée par l’espagnol M. Fedrico Mayor, ex-Directeur Général de l’UNESCO. Que pouvez-vous nous dire plus particulièrement sur la présence culturelle de la Suisse en Espagne ? Quels sont les événements qui retiennent le plus l’attention du public espagnol ? Cette année, une exposition sur l’architecture contemporaine suisse fera, après sa première année passée à Madrid, un tour d’Espagne qui débutera en avril à Séville, pour s’achever plus tard à la Corogne, Bilbao et Barcelone. L’architecture et l’ingénierie suisses jouissent d’une grande renommée internationale et d’une excellente visibilité, qui s’expliquent par la qualité de la formation, du savoir-faire technique et la capacité d’innovation des créateurs, ainsi que par leur sens marqué pour le développement durable. Toujours dans le domaine de l’architecture, l’exposition « Le Corbusier – un atlas de paisajes modernos (un atlas de paysages modernes)» qui a ouvert ses portes en janvier à la CaixaForum de Barcelone, sera présentée à Madrid au mois de juin à la CaixaForum par les architectes suisses Herzog & de Meuron.


Qu’est-ce qui vous a le plus frappé en arrivant ici ? J’ai été très impressionné par la modernité des infrastructures, la qualité de vie très élevée et les saveurs de la gastronomie espagnole. Quel est votre restaurant préféré à Madrid ? Je n’ai pas de restaurant préféré. Le choix entre tant de bonnes tables fait partie du charme de cette capitale. Quels sont vos projets afin d’approfondir votre connaissance de la culture espagnole ? Je suis en train de constituer un vaste réseau de contacts et d’identifier des projets où la Suisse peut renforcer la collaboration avec l’Espagne. Et finalement, je voyage beaucoup en Espagne, un pays d’une grande beauté, riche en cultures, avec des gens ouverts et aimables.
Par Philippe Chevassus